Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/205

Cette page a été validée par deux contributeurs.

un des signes caractéristiques de la race saxonne est la persistance de ses habitudes, quelques contraires qu’elles soient au climat. Le commodore rayonnait : au moyen de morceaux de glace fabriquée chimiquement avec un appareil, car on n’apporte que de la neige des montagnes qui s’élèvent derrière Castellamare, il était parvenu à maintenir son beurre à l’état solide, et il en étalait une couche avec une satisfaction visible sur une tranche de pain coupée en sandwiche.

Après ces quelques mots vagues qui précèdent toute conversation et ressemblent aux préludes par lesquels les pianistes tâtent leur clavier avant de commencer leur morceau, Alicia, abandonnant tout à coup les lieux communs d’usage, s’adressa brusquement au jeune comte napolitain :

« Que signifie ce bizarre cadeau de cornes dont vous avez accompagné vos fleurs ? Ma servante Vicè m’a dit que c’était un préservatif contre le fascino ; voilà tout ce que j’ai pu tirer d’elle.

— Vicè a raison, répondit le comte Altavilla en s’inclinant.

— Mais qu’est-ce que le fascino ? poursuivit la jeune miss ; je ne suis pas au courant de vos superstitions… africaines, car cela doit se rapporter sans doute à quelque croyance populaire.

— Le fascino est l’influence pernicieuse