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de chefs-d’œuvre qui, en Italie, fait venir aux touristes trop hâtifs la nausée de l’art ; tantôt je regardais les portes de bronze du baptistère, tantôt le Persée de Benvenuto sous la loggia dei Lanzi, le portrait de la Fornarina aux Offices, ou bien encore la Vénus de Canova au palais Pitti, mais jamais plus d’un objet à la fois. Puis je déjeunais, au café Doney, d’une tasse de café à la glace, je fumais quelques cigares, parcourais les journaux, et, la boutonnière fleurie de gré ou de force par ces jolies bouquetières coiffées de grands chapeaux de paille qui stationnent devant le café, je rentrais chez moi faire la sieste ; à trois heures, la calèche venait me prendre et me transportait aux Cascines. Les Cascines sont à Florence ce que le bois de Boulogne est à Paris, avec cette différence que tout le monde s’y connaît, et que le rond-point forme un salon en plein air, où les fauteuils sont remplacés par des voitures, arrêtées et rangées en demi-cercle. Les femmes, en grande toilette, à demi couchées sur les coussins, reçoivent les visites des amants et des attentifs, des dandys et des attachés de légation, qui se tiennent debout et chapeau bas sur le marchepied. ― Mais vous savez cela tout aussi bien que moi. ― Là se forment les projets pour la soirée, s’assignent les rendez-vous, se donnent les réponses, s’acceptent les invitations ; c’est comme une Bourse du plaisir qui se tient de trois heures à cinq heures,