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Appuyé sur le bord de la table, Scazziga, le cocher de la calèche de louage dont se servait M. Paul d’Aspremont, présentait aussi une physionomie frappante ; ses traits irréguliers et spirituels étaient empreints d’une astuce naïve ; un sourire de commande errait sur ses lèvres moqueuses, et l’on voyait à l’aménité de ses manières qu’il vivait en relation perpétuelle avec les gens comme il faut ; ses habits achetés à la friperie simulaient une espèce de livrée dont il n’était pas médiocrement fier et qui, dans son idée, mettait une grande distance sociale entre lui et le sauvage Timberio ; sa conversation s’émaillait de mots anglais et français qui ne cadraient pas toujours heureusement avec le sens de ce qu’il voulait dire, mais qui n’en excitaient pas moins l’admiration des filles de cuisine et des marmitons, étonnés de tant de science.

Un peu en arrière se tenaient deux jeunes servantes dont les traits rappelaient avec moins de noblesse, sans doute, ce type si connu des monnaies syracusaines : front bas, nez tout d’une pièce avec le front, lèvres un peu épaisses, menton empâté et fort ; des bandeaux de cheveux d’un noir bleuâtre allaient se rejoindre derrière leur tête à un pesant chignon traversé d’épingles terminées par des boules de corail ; des colliers de même matière cerclaient à triple rang leurs cols de cariatide, dont l’usage de porter les fardeaux sur la tête avait renforcé les muscles. —