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Paul déjeuna dans sa chambre, car, soit timidité, soit dédain, il n’aimait pas à se trouver en public ; puis il s’habilla, et pour attendre l’heure convenable de se rendre chez miss Ward, il visita le musée des Studj : il admira d’un œil distrait la précieuse collection de vases campaniens, les bronzes retirés des fouilles de Pompeï, le casque grec d’airain vert-de-grisé contenant encore la tête du soldat qui le portait, le morceau de boue durcie conservant comme un moule l’empreinte d’un charmant torse de jeune femme surprise par l’éruption dans la maison de campagne d’Arrius Diomèdes, l’Hercule Farnèse et sa prodigieuse musculature, la Flore, la Minerve archaïque, les deux Balbus, et la magnifique statue d’Aristide, le morceau le plus parfait peut-être que l’Antiquité nous ait laissé. Mais un amoureux n’est pas un appréciateur bien enthousiaste des monuments de l’art ; pour lui le moindre profil de la tête adorée vaut tous les marbres grecs ou romains.

Étant parvenu à user tant bien que mal deux ou trois heures aux Studj, il s’élança dans sa calèche et se dirigea vers la maison de campagne où demeurait miss Ward. Le cocher, avec cette intelligence des passions qui caractérise les natures méridionales, poussait à outrance ses haridelles, et bientôt la voiture s’arrêta devant les piliers surmontés de vases de plantes grasses que nous avons déjà décrits. La même servante vint