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fiancé, et le commodore avait serré la main au jeune homme d’une façon significative : on n’écrase ainsi que les doigts d’un gendre.

Paul, ajourné à six mois, aussi longs que six siècles pour son impatience, avait eu le bonheur de trouver Alicia guérie de sa langueur et rayonnante de santé. Ce qui restait encore de l’enfant dans la jeune fille avait disparu ; et il pensait avec ivresse que le commodore n’aurait aucune objection à faire lorsqu’il lui demanderait sa nièce en mariage.

Bercé par ces riantes images, il s’endormit et ne s’éveilla qu’au jour. Naples commençait déjà son vacarme ; les vendeurs d’eau glacée criaient leur marchandise ; les rôtisseurs tendaient aux passants leurs viandes enfilées dans une perche : penchées à leurs fenêtres, les ménagères paresseuses descendaient au bout d’une ficelle les paniers de provisions qu’elles remontaient chargés de tomates, de poissons et de grands quartiers de citrouille. Les écrivains publics, en habit noir râpé et la plume derrière l’oreille, s’asseyaient à leurs échoppes ; les changeurs disposaient en piles, sur leurs petites tables, les grani, les carlins et les ducats ; les cochers faisaient galoper leurs haridelles quêtant les pratiques matinales, et les cloches de tous les campaniles carillonnaient joyeusement l’Angelus.

Notre voyageur, enveloppé de sa robe de chambre, s’accouda au balcon ; de la fenêtre on