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seer, et auxquels il donne un regard presque humain. Paul, sur un cheval bai-cerise que lui avait prêté le commodore, accompagnait miss Ward dans sa promenade circulaire, car le médecin, qui l’avait trouvée un peu faible de poitrine, lui ordonnait l’exercice.

Une autre fois un léger canot glissait sur l’étang, déplaçant les lis d’eau et faisant envoler le martin-pêcheur sous le feuillage argenté des saules. C’était Alicia qui ramait et Paul qui tenait le gouvernail ; qu’elle était jolie dans l’auréole d’or que dessinait autour de sa tête son chapeau de paille traversé par un rayon de soleil ! elle se renversait en arrière pour tirer l’aviron ; le bout verni de sa bottine grise s’appuyait à la planche du banc ; miss Ward n’avait pas un de ces pieds andalous tout courts et ronds comme des fers à repasser que l’on admire en Espagne, mais sa cheville était fine, son cou-de-pied bien cambré, et la semelle de son brodequin, un peu longue peut-être, n’avait pas deux doigts de large.

Le commodore restait attaché au rivage, non à cause de sa grandeur, mais de son poids qui eût fait sombrer la frêle embarcation ; il attendait sa nièce au débarcadère, et lui jetait avec un soin maternel un mantelet sur les épaules, de peur qu’elle ne se refroidît, — puis, la barque rattachée à son piquet, on revenait luncher au château. C’était plaisir de voir comme Alicia,