Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/168

Cette page a été validée par deux contributeurs.

courir ventre à terre des bêtes mortes ? C’est ce que nous n’expliquerons pas. Toujours est-il que ce miracle a lieu journellement à Naples et que personne n’en témoigne de surprise.

La calèche de M. Paul d’Aspremont volait à travers la foule compacte, rasant les boutiques d’acquajoli aux guirlandes de citrons, les cuisines de fritures ou de macaronis en plein vent, les étalages de fruits de mer et les tas de pastèques disposés sur la voie publique comme les boulets dans les parcs d’artillerie. À peine si les lazzaroni couchés le long des murs, enveloppés de leurs cabans, daignaient retirer leurs jambes pour les soustraire à l’atteinte des attelages ; de temps à autre, un corricolo, filant entre ses grandes roues écarlates, passait encombré d’un monde de moines, de nourrices, de facchini et de polissons, à côté de la calèche dont il frisait l’essieu au milieu d’un nuage de poussière et de bruit. Les corricoli sont proscrits maintenant, et il est défendu d’en créer de nouveaux ; mais on peut ajouter une caisse neuve à de vieilles roues, ou des roues neuves à une vieille caisse : moyen ingénieux qui permet à ces bizarres véhicules de durer longtemps encore, à la grande satisfaction des amateurs de couleur locale.

Notre voyageur ne prêtait qu’une attention fort distraite à ce spectacle animé et pittoresque qui eût certes absorbé un touriste n’ayant pas