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mettre en communication magnétique avec son sujet. Octave, bien qu’il fût sceptique en médecine, ne pouvait s’empêcher d’éprouver une certaine émotion anxieuse, car il lui semblait que le docteur lui soutirait l’âme par cette pression, et le sang avait tout à fait abandonné ses pommettes.

« Cher monsieur Octave, dit le médecin en laissant aller la main du jeune homme, votre situation est plus grave que vous ne pensez, et la science, telle du moins que la pratique la vieille routine européenne, n’y peut rien : vous n’avez plus la volonté de vivre, et votre âme se détache insensiblement de votre corps ; il n’y a chez vous ni hypocondrie, ni lypémanie, ni tendance mélancolique au suicide. — Non ! — cas rare et curieux, vous pourriez, si je ne m’y opposais, mourir sans aucune lésion intérieure ou externe appréciable. Il était temps de m’appeler, car l’esprit ne tient plus à la chair que par un fil, mais nous allons y faire un bon nœud. »

Et le docteur se frotta joyeusement les mains en grimaçant un sourire qui détermina un remous de rides dans les mille plis de sa figure.

« Monsieur Cherbonneau, je ne sais si vous me guérirez, et, après tout, je n’en ai nulle envie, mais je dois avouer que vous avez pénétré du premier coup la cause de l’état mystérieux où je me trouve. Il me semble que mon corps est devenu perméable et laisse échapper mon