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traperait pas ; je reste avec un corps sur les bras. Je puis bien le dissoudre dans un bain corrosif si énergique qu’il n’en resterait pas un atome appréciable, ou en faire en quelques heures une momie de Pharaon pareille à celles qu’enferment ces boîtes bariolées d’hiéroglyphes ; mais on commencerait des enquêtes, on fouillerait mon logis, on ouvrirait mes caisses, on me ferait toutes sortes d’interrogatoires ennuyeux… »

Ici, une idée lumineuse traversa l’esprit du docteur ; il saisit une plume et traça rapidement quelques lignes sur une feuille de papier qu’il serra dans le tiroir de sa table.

Le papier contenait ces mots :

« N’ayant ni parents, ni collatéraux, je lègue tous mes biens à M. Octave de Saville, pour qui j’ai une affection particulière, ― à la charge de payer un legs de cent mille francs à l’hôpital brahminique de Ceylan, pour les animaux vieux, fatigués ou malades, de servir douze cents francs de rente viagère à mon domestique indien et à mon domestique anglais, et de remettre à la bibliothèque Mazarine le manuscrit des lois de Manou. »

Ce testament fait à un mort par un vivant n’est pas une des choses les moins bizarres de ce conte invraisemblable et pourtant réel ; mais cette singularité va s’expliquer sur-le-champ.

Le docteur toucha le corps d’Octave de Saville, que la chaleur de la vie n’avait pas encore