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plus favorable, soit qu’ils survivent seuls d’une plantation ancienne, leurs troncs vigoureux, plaqués de mousse ou satinés d’une écorce d’argent, s’agrafent au sol par des racines noueuses, projettent des branches aux coudes bizarres, et pourraient servir de modèles aux études des peintres et des décorateurs qui vont bien loin en chercher de moins remarquables. Quelques oiseaux que les bruits du jour font taire pépiaient gaiement sous la feuillée ; un lapin furtif traversait en trois bonds le sable de l’allée et courait se cacher dans l’herbe, effrayé du bruit des roues.

Ces poésies de la nature surprise en déshabillé occupaient peu, comme vous le pensez, les deux adversaires et leurs témoins.

La vue du docteur Cherbonneau fit une impression désagréable sur le comte Olaf Labinski ; mais il se remit bien vite.

L’on mesura les épées, l’on assigna les places aux combattants, qui, après avoir mis habit bas, tombèrent en garde pointe contre pointe.

Les témoins crièrent : « Allez ! »

Dans tout duel, quel que soit l’acharnement des adversaires, il y a un moment d’immobilité solennelle ; chaque combattant étudie son ennemi en silence et fait son plan, méditant l’attaque et se préparant à la riposte ; puis les épées se cherchent, s’agacent, se tâtent pour ainsi dire sans se quitter : cela dure quelques secondes, qui