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fut sur le seuil, elle se retourna, s’arrêta un instant, blanche et froide comme une statue, jeta un coup d’œil effrayé au jeune homme, entra, ferma la porte vivement et poussa le verrou.

« Le regard d’Octave ! » s’écria-t-elle en tombant à demi évanouie sur une causeuse. Quand elle eut reprit ses sens, elle se dit : « Mais comment se fait-il que ce regard, dont je n’ai jamais oublié l’expression, étincelle ce soir dans les yeux d’Olaf ? Comment en ai-je vu la flamme sombre et désespérée luire à travers les prunelles de mon mari ? Octave est-il mort ? Est-ce son âme qui a brillé un instant devant moi comme pour me dire adieu avant de quitter cette terre ? Olaf ! Olaf ! si je me suis trompée, si j’ai cédé follement à de vaines terreurs, tu me pardonneras ; mais si je t’avais accueilli ce soir, j’aurais cru me donner à un autre. »

La comtesse s’assura que le verrou était bien poussé, alluma la lampe suspendue au plafond, se blottit dans son lit comme un enfant peureux avec un sentiment d’angoisse indéfinissable, et ne s’endormit que vers le matin ; des rêves incohérents et bizarres tourmentèrent son sommeil agité. ― Des yeux ardents ― les yeux d’Octave ― se fixaient sur elle du fond d’un brouillard et lui lançaient des jets de feu, pendant qu’au pied de son lit une figure noire et sillonnée de rides se tenait accroupie, marmottant des syllabes d’une langue inconnue ; le comte Olaf