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L’« orage » a dit le vieillard… L’orage, il viendra du Nord comme toujours… Nuées noires à l’horizon, les armées qui s’avancent contre mon simulacre d’empire ; nuées noires, les armées de l’Empereur tartare… Mais ce « flambeau qui éclairera l’avenir », quel est-il ?… Ah !… Mon fils sans doute !… Oui, c’est cela : mon fils !… L’« abriter », a-t-il dit, le cacher, l’éloigner, peut-être, de ce palais menacé de toutes parts ; me séparer de lui, dans le danger suprême : c’est cela qu’on me demande encore… Toujours l’angoisse, toujours le sacrifice… Et c’est à moi de guider tout un peuple, quand la force me manque pour me guider moi-même… Oh ! celles qui peuvent s’appuyer sur un bras robuste ! Oh ! celles qui ont pour les aider les conseils d’un esprit viril et clairvoyant ! Oh ! les épouses qui trouvent dans le cœur de l’époux un refuge à leur faiblesse !… Mais je suis l’Impératrice, moi, et l’Impératrice veuve, seule et trop haute, n’ayant même plus d’égal à qui confier mes anxiétés et mes défaillances… (Elle s’avance au milieu des fleurs du parterre.) Eh bien ! entendez la confession qui m’étouffe, ô vous fleurs du matin, humides de rosée fraîche !… Esprits légers qui planez sur les parterres à l’aube du