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phale ?… Oh ! devant mon impuissance à dompter le sort menaçant, quel tumulte de désirs et de colère bouleverse mon âme !…

Et pourtant, voici que le céleste rayonnement de votre présence m’illumine et m’inspire. Une lumière éclatante, qui émane de Votre Majesté, semble traverser les nuages des horizons, percer les ténèbres… et je vous vois, là-bas, dans la grande ville des Tsins !… je vous vois assise et toute-puissante, sur le trône même de l’Empepereur tartare ; l’immense empire, indivis et calmé, étendu sous vos pieds comme un tapis de gloire !…

Non, la destinée ne pourra pas vous être cruelle ; devant votre personne sacrée, ses armes se briseront. Pour certains êtres, à ce point supérieurs au niveau commun, les lois du ciel et du monde ne semblent-elles pas toujours fléchir ?… Souvenez-vous de cette favorite, si belle, qui jadis subjugua l’un des souverains vos aïeux : quand vint le jour où, déchue de la faveur impériale, elle fut livrée aux bourreaux, tranquille, elle les regarda, et dès qu’ils brandirent leurs sabres, pour toute défense elle sourit. Alors, ils jetèrent leurs armes à ses pieds, car aucun ne se sentit le courage d’éteindre ce radieux sourire.