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dont vous me proclamez souveraine, il faudra, chaque jour, en refaire la conquête ; lambeau par lambeau, l’arracher au ravisseur…

Oh ! que de sang, depuis trois siècles ! C’est un flot empourpré de sang, qui soutient le navire chargé de nos nobles espoirs !… Il est ballotté, il fuit devant la tempête, ce navire aux flancs rougis, mais il ne peut pas faire naufrage, car il porte la justice et le droit ; un jour, il jettera l’ancre dans le port pacifique, la Dynastie Lumineuse sera rétablie à jamais, — et tous nos morts, dont les débris jonchent la terre, dont les âmes emplissent au-dessus de nous les nuages, nos innombrables morts auront ainsi leur vengeance magnifique et recevront le prix de leur martyre.

Comme vous tous qui êtes ici, je voue ma vie à cette cause sacrée ; mais il ne suffit pas de mourir sans regret, il faut combattre à outrance, nous défendre jusqu’au dernier souffle, afin que notre mort soit féconde.

Pour reconquérir notre patrie, pour briser le joug qui la déshonore, faisons notre cœur intrépide, notre âme implacable. Ni pitié, ni merci pour le Tartare ; que jamais ne s’apaise notre héroïque colère, notre sainte haine !…

Envers tous les autres vivants, nous con-