Page:Gautier, Loti - La Fille du Ciel (1912).djvu/238

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sera l’éternelle paix… (Il se relève et déchire ses vêtements.) Ô dieux, si vous êtes capables de miséricorde, abaissez sur moi vos regards, ayez pitié !…

L’IMPÉRATRICE, d’abord très lentement, marchant sur l’estrade du trône, comme en rêve.

Où vais-je ?… Qui me dira où je vais, où je serai tout à l’heure ?… Les Morts, les Ombres, que peut leur importer l’emploi de ce dernier lambeau de ma vie, qui n’aura pas de durée ?… À présent que j’ai tenu ma parole, qu’au moins il m’appartienne, ce suprême instant, qui pour nous vaut l’éternité… (À l’Empereur.) Qu’il m’appartienne… et que je vous le donne ! (Elle se rassied sur le trône.) Viens près de moi, mon époux, mon maître, mon Dieu… (L’Empereur s’assied près d’elle, d’abord comme avec une sorte de crainte religieuse.) Viens, je veux appuyer ma tête sur ton épaule, pour mourir… (L’Empereur l’enlace de ses bras.) Vois-tu, nous étions comme deux astres, séparés par l’incommensurable abîme, mais qui se jetaient éperdument leur lumière… Et à présent, l’abîme est franchi, et mon mortel ennemi pleure d’amour entre mes