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qui ai allumé le bûcher… puisque c’est cette main-là, tenez, qui a porté la torche enflammée… Et, pendant qu’ils se jetaient tous dans la fournaise, mourant pour mon fils et pour moi, je leur criais mon serment : je viens bientôt, au pays des Ombres, je viens, je vous suis… Après cela, vous me voyez, demeurant vivante à vos côtés, vivante et heureuse… Je me ferais horreur !… (Près d’elle, toujours assise, l’Empereur se jette à genoux, la tête appuyée sur les coussins du trône.) En pénétrant dans ce palais, c’était de moi-même que j’avais peur, rien que de moi-même… car l’imposteur étrange, apparu dans mon palais un jour, jamais, même quand je ne savais pas, même quand je ne comprenais pas, jamais je n’ai pu le haïr. Et, dans la litière si close qui m’amenait à Pékin, à chaque étape du lugubre voyage, grandissaient mes épouvantes et mes angoisses… à mesure que ce pressentiment s’affirmait, jusqu’à la certitude, que l’Empereur, ce serait vous ! (Se levant dans un sursaut d’épouvante.) Vous ne m’avez pas trompée, au moins ?… C’est bien la mort que vous venez de me donner ?… Oh ! non, vous n’auriez pas fait cela… Vous êtes trop noble pour m’avoir tendu ce piège…