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indigne de vous, mon noble ennemi, vous ne ferez pas cela !…

L’EMPEREUR, après un silence.

Vous retenir ?… Oh ! moi, non… mais, le devoir… Fille des Ming, au devoir vous êtes incapable de faillir…

L’IMPÉRATRICE, s’animant enfin.

Le devoir !… Quel devoir ?… Ah ! déjà une première fois on m’a leurrée avec ce mot-là, et on m’a conduite à fuir, comme une femme vulgaire que la peur talonne ; pendant qu’ils savaient mourir comme des braves, tous, mes guerriers, mes princes, jusqu’à mes filles d’honneur, je m’en allais, moi, lâchement, par les souterrains de mon palais… pour obéir au devoir !… Tenez, c’était à l’heure où mes soldats tombaient par milliers, frappés par les vôtres, où mes murailles croulaient sous le heurt de vos armées… on m’avait apporté, dans une coupe d’or, le breuvage de la Grande Délivrance… et j’étais là, tranquille comme en ce moment… plus souriante toutefois, prête à porter la coupe à mes lèvres ; j’allais échapper à tout, m’en aller fière et intangible, dans ma parure impériale ;