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des Ming, que peut avoir à dire l’empereur des Tartares ?…

L’EMPEREUR, regardant les mains de l’Impératrice, qu’attache une corde de soie.

Oh ! vos mains liées !… C’était pour vous défendre contre vous-même, que j’avais ordonné cela… Mais, à présent… (Il s’approche, mais avec hésitation, pour les délier. L’Impératrice recul, en le regardant pour la première fois.) Oh ! pardon… Devant vous, dans mon trouble infini, je ne sais plus… C’est vrai, j’allais oser les toucher, vos mains meurtries… Et cependant vous m’êtes plus sacrée encore, ici, que là-bas, dans la splendeur… (Il frappe un coup léger sur le gong. Un officier paraît. À l’officier.) La grande maîtresse ! Qu’elle vienne à l’instant même. (À la grande maîtresse, qui entre aussitôt et se prosterne.) Déliez les mains de l’Impératrice, et laissez-nous. (La grande maîtresse obéit et sort. Un silence.) Votre voix n’est plus votre voix. Vos yeux ne sont plus vos yeux. Vous êtes devant moi, et votre âme semble restée dans l’inappréciable lointain. Je ne vous attendais pas ainsi et vous me faites peur. La majesté de la mort est en vous.