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et ce n’est qu’après trois années de siège que nous fûmes de nouveau maîtres de Nang-King. En ce moment, l’armée rebelle comptait plus de cent mille hommes, mais pas un seul ne consentit à se rendre. Dès qu’ils se jugèrent perdus, ils mirent le feu au palais et se brûlèrent vifs. Beaucoup de femmes se pendirent, s’étranglèrent ou se jetèrent dans les lacs des jardins. Je parvins cependant à faire prisonnière une jeune fille et je la pressai de me dire où était leur empereur. « Il est mort, répondit-elle ; vaincu, il s’est empoisonné ; mais aussitôt après on a proclamé empereur son fils Hon-Fo-Tsen. » Elle me conduisit ensuite à sa tombe, que je donnai l’ordre de briser ; on y trouva en effet l’empereur, qu’enveloppait un linceul de soie jaune brodé de dragons. Il était vieux, chauve, avec une moustache blanche. Je fis brûler son cadavre et jeter sa cendre au vent. Nos soldats détruisirent tout ce qui restait dans les murs ; il y eut trois jours et trois nuits de tueries et de pillages. Cependant une troupe de quelques milliers de rebelles, très bien armés, réussit à s’échapper de la ville, après avoir revêtu les costumes de nos morts, et il est à craindre que leur nouvel empereur ait pu fuir avec eux. »