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Qu’elle est belle à cette heure où, fière d’être libre,
Son grand cœur se dilate avec amour et vibre
Pour Celui qui, dans le chemin,
Écarte de ses pas et la ronce et la pierre,
Et faite luire à ses yeux une douce lumière,
Et la dirige par la main !

À cette heure surtout où, lasse de victoires,
Ayant gagné toujours aux jeux aléatoires
De la Fortune et des combats,
Afin de couronner son œuvre triomphale,
Elle livre aux esprits l’arène colossale
Où le sang ne coulera pas !

Je vous plains, je vous plains, Grecs légers et frivoles,
Athlètes et coureurs, lutteurs et discoboles,
Conducteurs de quadriges d’or !
Insensés ! vous n’aviez en honneur que la force ;
Et Milon périssait, vaincu par une écorce,
Lui, le géant puissant et fort !

Mais je te plains surtout, ô Pindare ! ô poète !
Âme haute, que Dieu certes n’avait pas faite
Pour célébrer de tels exploits !…
Que n’es-tu né chez nous pour y chanter encore ?
C’est ici que ta lyre éclatante et sonore
Vibrerait fort entre tes doigts !…

Plus de chevaux fougueux courant dans la carrière ;
D’athlètes se roulant tout nus dans la poussière
Afin d’y sécher leur sueur ;
Plus de sang noir vomi souvent à pleine bouche ;
Plus de combat hideux, effrayant et farouche,
Où le corps seul était vainqueur !