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LES
FILS DE KAÏN
POËME

Et les petits enfants des nations vengées
Ne sachant plus ton nom, riront dans leurs berceaux.
Leconte de Lisle. — Kaïn


Le Dieu qui, par ta main, avait tué ton frère,
Ô Kaïn, le Dieu qui te traquait sur la terre,
Et qui t’avait marqué, comme un esclave, au front,
Était gêné par toi, farouche solitaire.
En vain il te chassait par la plaine et le mont :
De ton orgueil intact ce Dieu sentait l’affront.


Mais quand tu fus couché dans les murs de ta ville,
Mort, et que, répandant une plainte stérile,
Tes fils, veufs de ton bras, se furent dispersés,
Iaveh s’écria : — Tout est enfin servile :
L’homme tremble à l’éclair de mes yeux courroucés ;
Les Forts, qui me bravaient, je les ai terrassés. —


Et, vainqueur de Kaïn, n’ayant plus, sur le globe,
Personne à redouter, le Jaloux, qui dérobe
Le mérite et l’honneur des actions qu’on fait,
Attaqua tous les Dieux que les peuples, à l’aube
Des temps, avaient créés pour types du parfait ;
Et chacun, tour à tour, devant lui fut défait.