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Nous ne souffrirons plus vos folles violences,
Ô maîtres de la terre et des cieux. Si tu lances
Ta malédiction, ô Pape, on en rira.
Aux juges corrompus nous prendrons leurs balances,
Et nous les briserons. Le sceptre servira
Pour chasser les rois, dont la main nous tortura.

 
La Révolte a sonné le tocsin. Innombrables,
Montent les insurgés, menaçants, implacables,
Revendiquant leurs biens volés, leurs droits ravis.
Ils poussent jusqu’au ciel leurs élans formidables.
Les anges de la foudre en vain se sont servis :
Ils jonchent de leurs corps les célestes parvis.


Au fond du Paradis, le Père, le front blême,
Recule, épouvanté, disant : — Si quelqu’un m’aime,
Qu’il me prête secours pour vaincre ces maudits ! —
Et le Fils et l’Esprit, épouvantés de même,
Avec leurs légions, si vaillantes jadis,
Se cachent près du Père au fond du Paradis.

 
Rien ne tient sous le choc de l’énorme marée.
Il est enfin passé, le temps de la curée,
Où les crocs des tyrans dans le peuple mordaient,
La bête n’était pas morte, quoique éventrée
Elle fait tête aux chiens qui sur elle fondaient,
Et, le long de ses flancs, en grappes se pendaient.