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Et nous savons cela. Chaque jour davantage,
Comme l’enfant s’instruit en avançant en âge,
Le peuple s’enrichit de ces préceptes vrais ;
Et chaque jour aussi, comme l’aigle sa cage,
Il force les barreaux qu’avaient forgés exprès
Ses maîtres, dogmes, lois, commandements, décrets.


Le haussement moqueur de ses fortes épaules
Fait tomber en éclats le antiques idoles.
Il rit ; et, chancelants, les trônes sont pareils
À ces blocs de glaçons que l’ouragan des pôles
Disperse en mille éclats. C’est l’heure des réveils.
Sur les puissants luiront de terribles soleils.


Ce que, par soubresauts, jadis nous essayâmes,
Lorsque, dans l’ignorance et la terreur, nos âmes
Avaient presque perdu toute virilité ;
Ce que, se débattant sous les sinistres trames
Du Pontife et du Roi, de grands cœurs ont tenté,
Sans avoir pour moyen rien que leur volonté,


Nous allons l’accomplir aujourd’hui tous ensemble.
L’Humanité n’est plus la servante qui tremble,
Et qui prie, à genoux, le maître qui la bat.
Elle veut à la fin s’émanciper. Il semble
Que la bête de sommes ait secoué son bât.
L’esclave a pris ses fers pour armes de combat.