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Les cachots où l’eau suinte, où la nuit toujours dure,
Où l’on a, pour dormir, la terre froide et dure,
Vous reçurent souvent, ou l’exil, ou la mort.
Vous avez enduré tout ce que l’homme endure,
Quand les puissants, qui font taire en eux le remord,
S’acharnent sur lui, comme un corbeau sur un mort.

 
Tenailles, chevalets, bûchers, tous les supplices,
De la haine des grands effroyables complices,
Le mépris qui s’abat sur le malheur à faux,
Vous avez bu le fiel des plus amers calices.
Quand le trépas tranchait vos tètes de sa faulx,
Votre sang glorieux sacrait les échafauds.


Et ce sang, comme fait une liqueur féconde,
Accrut, purifia la sève du vieux monde.
Cette chaude rosée emplit le genre humain
De verdeur et de force ; et sur vos corps se fonde,
Ô victimes d’hier, la gloire de demain,
Car nous touchons au bout de votre âpre chemin.


Oui, nous avons marché. Vos leçons salutaires
Ont enfin dissipé le brouillard des mystères
Dont nos maîtres cachaient leur astuce à nos yeux ;
Nous comprenons enfin vos, paroles austères,
Vos labeurs méconnus, votre mort, grand Aïeux
Qui lanciez votre doute la face des cieux.