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Mais le Peuple, du moins, avait aux seigneuries
Montré, juste leçon, le flot des jacqueries ;
Il avait un instant rejeté son fardeau,
Redressé fièrement ses épaules meurtries,
Fait de la liberté luire au loin le flambeau,
Et monté sa cabane au niveau du château…

 
Ils sont morts, transmettant la tradition sainte
De la rébellion. Dès lors, la femme enceinte
Donne au fruit de son flanc un sang de haine aigri.
La résignation pour eux fut une feinte :
On sent qu’un jour s’approche, où ce Peuple flétri
Clouera ses vieux tyrans vaincus au pilori.

 
Reconnais tes enfants, ô Kaïn ! Cette foule,
Comme un flot douloureux que tourmente la houle,
S’agite, ne trouvant de repos qu’en la mort.
Mais entre eux il en est dont l’esprit dans ton moule
Fut tout entier fondu, fier contempteur du sort,
Contre l’orgueil de qui Dieu brisa son effort.

 
Ceux-là ne lèvent point fébrilement la tête
Pour la baisser plus bas, ainsi que fait la bête
Regimbant sous le fouet, mais qui cède à la fin.
Ils disent au vainqueur : — Injuste est ta conquête ! —
Ils éclatent de rire au mot de droit divin ;
Et le Tyran pour eux n’est rien qu’un assassin.