Page:Gaulmier - À M. Cyprien Anot, Migné.djvu/7

Cette page a été validée par deux contributeurs.
(7)

D’aimables vers échappés de ton cœur,
Tendres enfants de ta féconde veine,
Ont vu le jour, et leur charme vainqueur
A désarmé la critique inhumaine.

Amant tardif des immortelles sœurs,
En peu de temps tu gagnas leurs faveurs :
Bien avant toi j’entrai dans la carrière,
Et de bien loin tes pas m’ont devancé ;
C’est moi jadis qui t’ouvris la barrière,
Tu m’enviais et tu m’as surpassé ;
Déjà ton nom à grandir empressé,
Se mêle aux noms que la patrie honore ;
Et cependant je suis obscur encore.
J’ai quelque temps rêvé la gloire aussi ;
Mais de mes jours l’éclat s’est obscurci ;
Mon Esculape, effrayant mon audace,
M’a défendu l’air trop vif du Parnasse ;
Et, malgré moi, voulant me secourir,
Pour me sauver, m’ordonne de mourir.
Sous ses décrets j’ai fléchi, non sans peine,
Et j’ai juré, comme jure un amant,
De ne plus boire aux sources d’Hyppocrène :
Les Dieux, ainsi qu’on le dit sur la scène,
N’ont point d’autels pour un pareil serment[1].
Pour toi qui, plein de vie et de courage,
Ne languis pas sous un mal indompté ;
Qui, dans la fleur et la force de l’âge,
Ne vis jamais s’asseoir à ton côté
Un docteur sombre, armé d’un noir présage,
Qui, prononçant un arrêt redouté,
L’air menaçant, le front chargé de prose,
Jusqu’à ton cœur de gloire tourmenté,
Prétend porter la diète qu’il t’impose,

  1. Les dieux n’ont point d’autel pour un pareil serment.
    Ce vers est de M. Soumet, dans sa tragédie de Clytemnestre