Page:Gaulmier - À M. Cyprien Anot, Migné.djvu/6

Cette page a été validée par deux contributeurs.
(6)

Avaient d’orgueil une dose assez mince ;
Ils ignoraient le poison des flatteurs.
D’un large encens les heureuses vapeurs,
N’avaient pas su, par leur vertu magique,
Fermer nos yeux au jour de la critique ;
Nous n’avions pas, ainsi que tant d’auteurs,
Acquis le droit d’ignorer nos erreurs.
Bref, il resta, pour nous chose très-claire,
Que notre ouvrage était défectueux,
Qu’un drame ainsi ne se fait pas à deux ;
Qu’un vaudeville, une fable légère,
Frêle avorton, et grotesque bâtard,
Que tout Paris enterre au boulevard,
Un roman même admet un double père ;
Mais que Corneille et Racine et Voltaire,
Composaient seuls leurs drames tout entiers,
Et n’ont jamais partagé leurs lauriers :
Qu’enfin Boileau, cet arbitre suprême,
Dont chaque jour les oracles cités
Servent de lois aux romantiques même,
En consacrant jadis trois unités,
En aurait dû faire une quatrième ;
Et pour la scène, en son code divin,
Prescrire aussi l’unité d’écrivain.
D’un tel oubli notre chute l’accuse.
Par cet essai, pour jamais rebuté,
Je crus devoir abdiquer, et ma muse
Fit banqueroute à la communauté.
Déshérité du tribut de mes veilles,
Veuf de nos vers, ton génie indompté,
Dans ce divorce, enfanta des merveilles.
Par les revers ton courage irrité
Seul renoua la fable mal ourdie ;
Fasse le ciel que ton drame vanté
Soit plus heureux que notre tragédie !
En attendant le moment souhaité,
Où tes travaux enrichiront la scène,