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Et de la pièce emporter le succès !
D’un sûr triomphe accolant le présage,
Tu m’admirais : ivre de ton suffrage,
Pour t’admirer à mon tour j’écoutais.
Puis, sur la foi d’un mutuel hommage,
D’un long bonheur tous deux nous enivrant,
De tout un peuple à peine respirant
Nous nous formions la ravissante image ;
Dans tous les cœurs, unis pour s’attendrir,
De la pitié nous excitions les charmes ;
Toutes les mains s’empressaient d’applaudir,
Et tous les yeux laissaient tomber des larmes.
Songe enchanteur, ineffables plaisirs !
Oh ! que de fois ces aimables chimères
Ont embelli nos entretiens féconds !
Combien de fois dans l’ombre des vallons,
Au bord des bois, sur les monts solitaires,
Notre œuvre en main, nous avons écouté
L’écho lointain de la postérité,
Et les longs cris de la foule idolâtre
Qui se pressait sur les bancs du théâtre !
La gloire, hélas ! nous a manqué de foi ;
L’illusion s’est bientôt envolée :
Tu n’eus jamais que moi pour assemblée,
Et pour public je n’eus jamais que toi.
Que dis je ? un jour, jour de triste mémoire,
En grande pompe, en un cercle d’auteurs,
Qui, des succès justes dispensateurs.
Sont de la France et l’orgueil et la gloire,
À haute voix, nous lûmes tour à tour
L’unique objet de notre double amour.
Le premier acte emporta les suffrages,
Nous triomphions : le second moins parfait,
Ne peut ravir que de rares hommages ;
Sur le troisième, avec un air distrait,
On commençait de bâiller a la ronde ;
Le quatrième assomma l’intérêt,
Et le dernier endormit tout le monde

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