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de créer avec des mots, et, mieux que cela, avec des faits mis en action, mis en drame, une immense symphonie en quelque sorte panthéistique qui s’élève comme l’hymne aux mille voix de la mère Nature, et qui, composée des tons les plus divers, les plus contradictoires en apparence, les plus fantastiques et les plus invraisemblables pris isolément, constitue pourtant une harmonie d’une pureté inouïe et d’une réalité saisissante. C’est, a-t-on dit, une imitation du Roi Lear et du Songe d’une nuit d’été. Oui, sans doute, il y a dans Balladyna des réminiscences de Shakspeare, mais il y a bien d’autres réminiscences : il y a comme un écho de tout ce que le poète a entendu dans son enfance, hommes et choses, de tout ce qu’il a vu depuis, de tout ce qu’il a lu, de tout ce qu’il a rêvé, de tout ce qu’il a aimé, de tout ce qu’il a pensé — et qu’importe d’où il a tiré chaque détail, si l’ensemble est nouveau, vivant, animé — et porte l’empreinte de l’éternelle beauté ?

Cela nous suffit à nous pour admirer : mais cela ne suffisait pas aux critiques d’alors. Cette œuvre leur paraissait une monstruosité, un mélange absurde de tous les genres, du plaisant et du tragique, du chrétien et du païen, — et ils s’obstinaient