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la douleur, il a si bien ménagé le crescendo sublime de cette douleur immense, il a donné au récit une telle simplicité biblique, il a décrit le désert avec une telle grandeur, il a choisi ses détails avec une telle sobriété et une telle justesse, et enfin il a parlé une langue si pure, si belle, si harmonieuse, que ce poème restera comme expression de la douleur morale, égal, sinon supérieur à ce qu’est le groupe de Laocoon comme expression de la douleur physique : un nec plus ultra, un sommet de l’art, un inimitable chef-d’œuvre.

Des commentateurs trop ingénieux ont cherché dans cette œuvre je ne sais quel symbolisme, je ne sais quelles allusions à la Pologne, cette mère qui voit périr aussi tous ses enfants ; mais c’est rapetisser les œuvres du génie, que de les rabaisser au niveau d’allégories. Que cette expression de la douleur morale, rappelle en même temps que toutes les douleurs de ce genre la grande angoisse de la Rachel des nations pleurant ses enfants, et ne voulant pas être consolée, que telle imprécation du père se plaignant à Dieu, semble un écho affaibli des imprécations du Konrad des Aïeux dans l’improvisation, cela est naturel, mais que l’on attribue à Slowacki une intention formelle