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Hélas ! et ce n’était plus un visage humain,
Mais c’était le regard de mon vieux dromadaire.
Le voyant si pensif et si compatissant,
Je me mis à pleurer tout haut, — comme un enfant.

Ainsi je traversai ma triste quarantaine.
Les hommes sont venus enfin rompre ma chaîne.
Oh ! cruelle faveur, amère liberté !
A ma tente déjà j’étais acclimaté.
C’est avec un frisson de deuil et d’épouvante
Que je vais arracher les cordes de ma tente,
Et ces pieux que… (grand Dieu ! pitié pour mes vieux ans !)
J’ai plantés dans le sable, avec tous mes enfants.
Aide-moi ; je suis seul aujourd’hui. Le murmure
De ces toiles saura te conter ma torture.
Elles le feront mieux encor que je n’ai pu.
Car elles savent tout, car elles ont tout vu !
De mes trésors perdus c’est tout ce qui me reste.
Regarde, touche-les, oh ! ne crains pas la peste,
Ne crains pas cette mort dont l’aspect effrayant…
Ne crains rien, ô mon fils ! — Tu n’es pas mon enfant.
Mais non, fuis : car je sais que ces toiles flexibles
A tout autre qu’à moi doivent sembler terribles.
Oh ! mourir de la peste est une horrible mort !