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Brouter le coudrier ou la rose étoilée ;
Ou c’est une colombe au bec avide d’eau
Qui, pour faire admirer son plumage splendide
À travers l’arc-en-ciel passe et brille rapide.
C’est là que je la vis. — Soudain, saisi d’amour,
Je crus, et malgré moi, je crois jusqu’à ce jour
Qu’elle sortait de l’arc-en-ciel et de l’écume,
Tant elle étincelait brillante sur la brume,
Tant son charmant visage était céleste et pur,
Tant l’idéalisait sa prunelle d’azur !
  Quand mes yeux de ses pieds à son front s’élevèrent,
De sa beauté mes yeux aussitôt s’enivrèrent
Et soumirent bientôt à son charme vainqueur
Mon cœur après mes sens, mon âme après mon cœur.
Et si vite naquit notre ardeur mutuelle
Qu’à travers le torrent j’allais bondir vers elle ;
Je craignais de la voir, comme un rêve trompeur,
Avant que de mes sens je redevinsse maître ;
Tomber dans l’arc-en-ciel, ou, légère vapeur,
S’effacer dans les eaux, s’éteindre et disparaître.
Mon rêve va finir, disais-je avec effroi,
Car déjà je l’aimais, car elle était à moi.
  C’est ainsi que d’abord j’aperçus mon amante
Passant de l’arc-en -ciel la porte éblouissante.