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non posset dici, tamen aliquâ in parte ego dicam ut omnes persone habeant firmam spem in te. Primo quando fui natus, eram multa puer et frivolis, in tantum quod meus pater et mea mater verecundebantur ; et omnes gentes dicebant : “ Iste nil poterit valere et ve erit terre cujus erit dominus. ” Sed tu, Domine, jam illico expirasti tuâ bonitate et me fecisti habere in te spem, et pro malo quod dicebantur de me rogavi te qualibet die quod dares mihi vim et bonitatem. Et tu, Domine, plenus omni bonitate, audivisti cito preces meas et dedisti mihi plusquam alicui qui fuisset in meo tempore.

Deus Domine, tibi supplicam quod sensum et discretionem mihi dares sic quod terram meam et meas gentes possem gubernare ad beneplacitum tuum ; et tam cito tue benigne aures me audierunt, et aperuit Spiritus tuus sanctus meum intellectum ad intelligendum omnia.

Postquam domine fui fortis et sapiens, habui pejus quia omnes gentes dicebant : “ Magna perditio tanti hominis tam fortis et tam sapientis qui nil valet in armis ”. Et ego feci orationem tibi, omni-


en vous. D’abord, dès que je fus né, j’étais, en tout, enfant et léger, à tel point, que mon père et ma mère en rougissaient ; et tout le monde disait : « Ce garçon ne vaudra jamais rien ; malheur à la terre dont il sera le maitre ! » Mais vous, Seigneur, vous êtes mort par votre bonté et m’avez fait avoir espoir en vous : en place du mal qu’on disait de moi, je vous ai demandé, un jour, de m’accorder force et bonté. Et vous, Seigneur, plein de toute bonté, vous avez promptement entendu mes prières et vous m’avez donné plus qu’à aucun autre de mes contemporains.

Seigneur Dieu, je vous ai supplié de me donner sens et discernement de façon que je puisse gouverner ma terre et mes sujets à votre bon plaisir ; et tout aussitôt vos oreilles favorables m’ont entendu et votre Saint-Esprit n’a ouvert l’intelligence pour comprendre toute chose.

Après, Seigneur, que je suis devenu fort et sage, pire m’est advenu, tout mon peuple disant : « C’est grand malheur qu’un tel homme, si fort et si sage, ne vaille rien dans les armes. » Et moi je vous ai fait ma prière, Dieu tout-puissant, pour que vous me donniez honneur à la guerre, et vous m’avez accordé joie de toute manière. Si bien que chez les Sarrazins, chez les Juifs et chez les Chrétiens, en Espagne, en France, en Angleterre, en Allemagne, en Lombardie, en deçà et au-delà des mers, mon nom a été porté