tout asile au roi détrôné. « Ni mon fils ni moi, répondit Éléonore, ne pouvons déférer à cette sommation. Justice et alliance s’y opposent. » En effet, elle donna une généreuse hospitalité à Jayme, au risque d’attirer sur ses États la colère du roi d’Aragon. Cette conduite était d’autant plus noble qu’alors Gaston n’annonçait pas encore les talents militaires qu’il a montrés plus tard. À cette époque, « tout le monde disait : Quel dommage qu’un homme si savant et si fort soit inhabile au métier des armes ![1] » Mais Dieu lui accorda bientôt la gloire des armes comme il lui avait accordé la science.
On ne sait pas contre quels ennemis il exerça d’abord son jeune courage. Quelques auteurs disent que Gaston combattit les Maures d’Espagne[2] ; mais cela n’est guère probable. En 1343, âgé seulement de douze ans, il n’avait pu accompagner son père au siége d’Algéciraz. En 1344, cette ville fut prise ; une trêve fut conclue entre les Chrétiens et les Musulmans. Les hostilités recommencèrent seulement en 1349. On ne saurait donc placer dans ce laps de cinq années l’expédition que Gaston aurait faite contre les Maures. Or, dès 1345, Gaston Phœbus avait pris les armes quand les Anglais avaient envahi la Guyenne sous la conduite du duc de Derby. Ensuite il s’était rendu à l’armée rassemblée inutilement par Philippe-Auguste pour faire lever le siége de Calais ; puis, lorsque cette armée fut licenciée, il fut, conjointement avec Bertrand, comte de l’Île-Jourdain, nommé lieutenant spécial et général du roi
- ↑ … Omnes gentes dicebant : magna perditio tanti hominis tam fortis et tam sapientis qui nil valet in armis.
(Prières de Gaston Phœbus. Manuscrit provenant de Neuilly, n.7097.)
- ↑ Cette erreur provient peut-être de ce qu’on donnait, par ignorance, le nom de Sarrazins à tous les Infidèles, et l’on trouve ce passage dans Olhagaray : « Part notre comte de Foix contre les Sarrasins, prié par le maître de Prucia. » Il y avait des Idolâtres, mais non des Sarrazins en Prusse, et d’ailleurs l’expédition de Gaston dans ce pays est seulement de l’année 1358.