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prime, commence il à fère ses malices et fuyr[1] les voyes et refuyr sus soy. Et tout cela fet il affin que les chiens ne puissent deffère ses esteurses[2] et qu’il les puisse aloinher[3] et soy sauver. On appelle reuse quant un cerf fuyt et refuyt sur soy ; et esteurses aussi pource qu’il esteurt et garentist sa vie en fesant les subtillités. Il fuyt voulentiers aval le vent, et c’est à trois fins : quar quant il fuyt contre le vent, le vent li entre par la bouche et li

  1. Fuyr les voyes, ne signifie pas que le cerf évite les voies, mais, au contraire, qu’il fuit en suivant les grands chemins. Pour un veneur, le sens ne saurait être douteux. Du Fouilloux explique de la même manière que Phœbus ce qui se passe quand le cerf est accompagné.

    « … Il va de fort en fort chercher les bestes, et les met debout s’accompagnant avec elles, et les emmeine et fait fuyr avec lui sans les vouloir laisser, aucunes fois l’espace d’une heure ou plus : puis s’il se voit suivy et malmené, il les abandonnera et fera sa ruze volontiere en quelque grand chemin ou ruysseau, lesquels il suyvra longuement tant qu’il aura la force. » (Du Fouilloux, édition de 1585, page 42, verso.)

    Le Verrier de la Conterie, dans son École de la Chasse, chap. XIII, et dans sa Vénerie normande, chap. XVII, s’exprime presque dans les mêmes termes que Du Fouilloux.

    Au reste, ce n’était pas seulement après le verbe fuyr que l’usage permettait autrefois cet hellénisme, qui consiste à sous-entendre la préposition nécessaire pour unir le verbe neutre à son régime. On trouve cet exemple dans le Dictionnaire de Trévoux : « On dit que le cerf va la voie quand il suit les grands chemins. Évidemment va la voie, est mis au lieu de va par la voie. Encore de nos jours on dit : Courir la campagne, au lieu de : Courir par la campagne. »

    Cette locution, fuyr la voye, se rencontre très fréquemment dans Gaston Phœbus et dans le roi Modus. Nous la retrouverons dans les chapitres consacrés au daim, au chevreuil et au lièvre ; et le passage qui se rapporte au lièvre est tellement clair, qu’il ne peut laisser aucun doute sur la manière dont il faut entendre cette manière de parler.

  2. Esteurses, détours ; il esteurt, il fait des détours.
  3. Aloinher, prononcez aloignier. Cette orthographe était autrefois en