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Quar trop fort fiert[1], ainsi comme un coup de garrot[2] ; quar il a grant force en la teste et ou corps. Ilz tuent et blessent et se combatent l’un à l’autre quant ilz sont au ruyt, c’est en leur amour, et chantent en leur langaige, ainsi que fet un homme bien amoureus. Ils tuent chiens et chevaulx et hommes en celuy temps, et se font abayer comme un sanglier, espécialement s’ilz sont las ; encores au partir de son lit ai je veu qu’il blessoit le vallet qui faisait la suyte, occioit le limier et en oultre un coursier. Et encore quant ilz sont au ruyt, c’est en leur amour, en forest où il ait trop petit de biches et foison de cerfz, alors se tuent ilz et se blessent et se combatent ; quar chascun vuelt estre mestre des biches et voulentiers le plus grant cerf et voulentiers le plus fort tient le ruyt et en est mestre. Et quand il est bien povre et las, les autres cerfs à qui il a tolu le ruyt, li courent sus et le tuent ; et ceci est vérité. Et l’en le puet bien prouver aux parcs ; car il ne sera jà saison que touzjours le plus grant cerf ne soit tué par tous les autres, non pas tant comme est au ruyt ; mes quant il est retret et povre et maigre. Ès forestz ne le sont ilz pas si souvent ; quar ils vont au large, là ou il leur plest. Et aussi il y a ruyt en divers lieux de la forest et on paix ne peut estre en nul lieu, fors que dedans le part[3]. Après quant ilz sont retrets

  1. Fiert, il frappe, du verbe férir.
  2. Garrot, bâton ; peut-être faut-il entendre le carreau lancé par l’arbalète, car la tête du cerf est beaucoup plus redoutable qu’un bâton. Elle perce et déchire, tandis que le bâton ne fait que briser :

    Los garrotes bolteando despedidos
    Perniquebraron cabras y corderos
    Y alguna vez los corzos mas ligeros.

    (Diana por Moratin, cn 1o sa. XVII.)

    « Et le garrot, lancé en tournant, brisa la cuisse de la chèvre, du chevreau et quelquefois du chevreuil à la course légère. »

  3. Fors que dedans le part, c’est à dire qu’il n’y a de paix que lorsque les biches sont pleines. Dans l’édition de Vérard, on lit fors que dedans le parc, ce qui me paraît un contresens.