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fera bien appareiller de souper du lard, du cerf et d’autres bonnes viandes et de bon vin. Et quant il aura bien mengié et bien beu et il sera bien lie et bien aise. Après il yra quérir l’air et le serain du vespre pour le grant chaut quil a eu et puis s’en yra boire et coucher en son lit, en beaulx draps fraiz et linges et dormira bien et sainement la nuyt sans penser de faire péchié. Donc dis je que veneurs s’en vont en paradis, quant ils meurent, et vivent en ce monde plus joyeusement que nulle autre gent. Encores te veuill-je prouver que veneurs vivent plus longuement que nulle autre gent. Quar, comme dit Ypocras : plus occist replection de viandes que ne fet glaives ne coutiaux ; et comme ilz boivent et mangent moins que gent du monde, quar au matin à l’assemblée ils ne mangeront que pou ; et si au vespre ils soupent bien, au moins auront ils au matin corrigié leur nature ; quar ils auront pou mengié et nature ne sera point empeschiée de faire la digestion, par quoy males humeurs ne superfluitez se puissent engendrer. Et tu vois, quant un homme est malade, que on le met en diète et ne li donneront que de l’yaue de sucre et de cieulx choses[1] deux ou trois jours ou plus pour abaissier ses humeurs et ses superfluités et encore en outre le feront ils vuidier. Au veneur ne le faut pas fere cela ; quar il ne puet avoir replection par le petit mengier et par le travail qu’il a. Et suposé, ce que ne peut estre, qu’il fust ore plain de mauvaises humeurs, si scet on bien que le plus grant terme de maladie qui peut estre, est sueur. Et comme les veneurs, si font leur office à cheval ou à pié, convient qu’ilz suent, donc convient que en la sueur s’en aille s’il y a rien de mal ; mes que on se garde de prendre froit quant il sera chaut. Si me semble que j’ay assez prouvé ; car petit mengier font faire les mires[2] aux malades pour aterminer et guarir du tout. Et comme les veneurs mengent petit et suent touzjours,

  1. De cieulx choses, de ces choses. Dans le manuscrit de la bibliothèque royale, portant le no 7097, qui a été copié au quinzième siècle, on lit : De telz choses.
  2. Mire ou plutôt mière, médecin.