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de son oncle. En attendant l’occasion d’en faire usage, il cacha soigneusement la poudre qui lui était donnée. Elle était renfermée dans un petit sachet qu’il portait sur sa poitrine. Cependant il ne fut pas en son pouvoir de garder entièrement le secret. Il couchait dans la même chambre que l’un de ses frères bâtards nommé Ivain. Celui-ci aperçut la bourse, voulut savoir ce qu’elle contenait ; en sorte que Gaston lui avoua la vertu qu’il attribuait à ce philtre.

Trois jours plus tard, en jouant à la paume, les deux frères se prirent de querelle. Ivain, maltraité par son aîné, alla se plaindre à son père d’avoir été battu. Depuis son retour de Navarre, lui dit-il, mon frère porte sur sa poitrine une boursette pleine de poudre. Je ne sais comment il la veut employer ; mais il prétend que, par ce moyen, Madame Agnès rentrera bientôt en maîtresse à Orthez. Surpris de cette révélation, Gaston Phœbus attendit l’heure du repas pour approfondir les soupçons qu’elle lui inspirait. Lorsqu’il fut assis à table, il appela son fils comme s’il voulait lui parler à l’oreille, et, saisissant le moment où celui-ci se baissait, il lui plongea la main entre sa tunique et la poitrine, et en retira le sachet. Aussitôt il mit de la poudre sur un morceau de pain, et, ayant appelé un chien, il le lui donna à manger. L’effet du poison ne tarda pas à se faire sentir ; le malheureux animal expira au milieu d’affreuses convulsions. À cette vue, Gaston Phœbus, transporté de fureur, voulut se jeter sur son fils. Les chevaliers qui assistaient à cette scène se mirent au-devant de lui. « Oh ! Gaston ! traître ! s’écriait le comte de Foix ; pour toi, pour accroître ton héritage, j’ai voué guerre et haine au roi de France, au roi d’Angleterre, au roi d’Espagne, au roi d’Aragon ; je me suis bien tenu contre eux, et c’est toi qui me veux faire mourir ! Ah ! tu es un monstre ; mais tu en mourras ! »

Dans sa colère, il fit mettre à mort une quinzaine de gentilshommes attachés à la personne de son fils. Il renferma celui-ci dans une prison, et rassembla à Orthez, pour le juger, tous les nobles et prélats de Foix et de Béarn. Lorsque les notables du