Page:Gaston Phoebus - La Chasse, J-Lavallee, 1854.djvu/239

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 183 —

portes en ta main roses ou violètes, sauge ou mente, ou autres herbes qui portent bonne flairour, tu ne sentiras rien de la puour ; quar la bonne oudour oste la mauvaise : aussi di-je quant les chiens viennent aux brusleis et ilz cuident assentir du cerf qu’ilz ont chassié, la puour et l’odour du brusleis et du feu leur ostera le ressentir de leur cerf ; et le plus emporte le moins ; quar plus fort est l’odour du feu et du brusleis ; que n’est l’odour du cerf. Et aussi quant ilz metront le nez à terre, les breses et l’arsure leur entrera par les narines et par le nez qu’ilz n’oseront tirer à eulz ansoys esternueront.

Et quant le veneur verra que les chiens vuelent tourner arrière ; il ne doit pas faire ainsi, mes doit aler avant touzjours et prendre hors du brusleis et par les costez et devant, par païs qui li semble que chiens en puissent et doivent bien assentir. Et lors le redressera, ou saura certainement qu’il hara fuy sur soy, et s’il ne le dresse, donc doit-il tourner arrière ; quar il puet bien savoir qu’il refuyt arrière sus soy ; et preinhe ses tours et essains, comme j’ay dit. Aussi avient-il aucunefoys que quant le cerf est mal mené, il leisse toutes forès et entreprent à fuyr la campainhe[1], et ce est sa fuyte pour aller mourir, quar aucunefoys il fuyra parmi les vilaiges ; quar il ne scet où il va, pource que les chiens l’ont tant eschaufé et mal mené qu’il a perdu son sen et son hesme[2]. Et aucunefoys avant qu’il vienhe à la campainhe, il ara fet des ruses ou estourses

  1. Fuyr la campainhe… c’est-à-dire fuir à travers la campagne.
  2. Hesme. Le mot esmer signifiait anciennement estimer, apprécier, évaluer. Ainsi on lit dans le manuscrit du Roman d’Athis :

    « Si etoit li ost des chrétiens esmés à trois cens mille hommes. »

    Et était le camp des chrétiens évalué à trois cent mille hommes.

    Dans Garin Le Loberans on trouve ce vers :

    « Tant i a que nus les peut esmer. »

    Il y en a tant que nul ne les peut les estimer.

    Gaston Phœbus a employé ici le mot hesme pour exprimer non l’ap-