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nant au dessus du vent, affin que les chiens l’oyent mieulz. Et s’il ne les puet trouver de tout le jour, lendemain s’il aille luy et des autres compainhons querir les chiens ès villes environ de la forest. Aussi li vueill aprendre de mener les chiens esbatre deux foys le jour, einsi comme j’ay dit, sus gravier de pierres, espicialment quant ilz sont en sejour, et fere les ongles d’unes petites tenailles ; lesquelles leur deviennent trop longues, quant ilz demuerent trop en séjour comme j’ay dit ; lequel sejour je ne loe pas ; et maintes fois en haray débatu avec Huet des Vantes, qui fut un bon veneur, pour trop de raysons : premièrement voulentiers au séjour les chiens perdent les piez ou les ongles ; et les autres maladies en viennent, que j’ay devant dit ; lesquelles l’enfant doit avoir apris de garir. Et trois choses sont qui ne doivent séjourner trop, homes et bestes et oyseaulx : les hommes par rayson des pechiez que j’ay devant dit ; et aussi devienent-ilz gras et ne leur plest, s’ils séjournent longuement guères travailler en leur mestier, ou soyent clercs ou lais ; quar la chair s’atruandit[1] ; et s’ilz travaillent et ilz ont trop séjourné il leur fera grant mal et en cherront par aventure en une grant maladie. Aussi les chevauls des marchans, qui sont gras et gros, et sont au séjour, ne pourroient fournir une fort journée de courre encontre mes courciers qui sont touzjours en alaine. Aussi les faulcons ou austours ou autres oysauls au partant de la mue et du séjour, ils ne pourroient voler longuement ; quar ilz ne sont pas à point de voler ne essamés[2].

Des chiens chescun qui est de nostre mestier scet bien que chiens de sejour qui sont fort geu[3] ne pevent fournir une

  1. S’atruandit, s’appauvrit ou s’abâtardit.
  2. Essamés, essimés. Essimer un oiseau de proie, c’est le dégraisser en lui faisant prendre diverses cures. (Goury de Champgrand.)
  3. Geu, couché, du verbe gehir, en latin, jacere. Chiens de sejour qui sont fort geu, c’est à dire qui sont restés long-temps couchés.

    Mars et Venus les quels prins furent
    Ensemble au lit où ils se geurent.

    (Roman de la Rose, vers 18938–39.)