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chiaux à mengier ; et ce est droite vérité. Aucuns dient qu’elle se bainhe et corps et teste quant elle revient, afin que le lou ne sente rien que elle ait porté ; mes je ne l’aferme mie.

Autres lous passans d’aventure, qui ne sont mie einsi accompainhés, n’aident point einsi nourrir ses chiaux à la louve ; mes quant le lou et la louve sont accompainhés et il n’a plus lous ou païs, par droit naturel sentement, il scet bien que les chiaux sont siens, et pource les aide il à nourrir ; mes ce est mal gracieusement. Au temps que les louvetiaux sont petits, sont plus gras les lous que en temps de l’an, quar ils menjent ce qu’ils prennent et ce que la louve et les chiaux devoient mengier.

Et portent les louves neuf sepmaines et aucunefoiz trois ou quatre jours plus. Une fois vont en leur amour l’an. Aucunes gens dient que la louve ne porte chiaux tant comme sa mère est vive, mes je ne l’aferme pas. Elles ont einsi leurs chiaux comme une lisse, ore plus, ore moins.

Ilz ont grant force espicialment devant et male morsure et forte, quar aucunefois un lou tuera bien une vache, ou une jument ; et a si grant force en la bouche, qu’il portera une chièvre ou un mouton ou une brebis ou un pourcel, sans toucher en terre, en sa guele et courra si fort portant la bête, que se mastins ou chevaucheurs ne viennent au devant, les pasteurs ne gens a pié n’y pourront atteindre.

Il vit de toutes chars, de toutes charroinhes et de toutes vermines et sa vie n’est pas longue ; quar il ne vit plus de xiii ou xiiij ans. Il a male morsure et venimeuse pour les crapaus, et vermines qu’il menge.

Il va si tost, mes qu’il soit vuyt[1], que j’ai veu leissier quatre leisses de lévriers à doubles, l’un après l’autre, qui ne povoient afichier[2] au lou : quar il vet aussi tost comme beste du monde et dure longuement son aler. Quant on le chasse à force aux

  1. Vuyt, vide.
  2. Afichier, dans le sens le plus usité, signifiait fixer, arrêter ; mais ici Gaston Phœbus parle de la course rapide du loup, et il a employé