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LES CHANTS DE LA FORÊT


VI

La forêt met en moi son âme pacifique…
Comme ma vie est loin ! comme Paris a fui !
Est-ce moi que ce dieu, père à la sève antique,
Moi que ce chêne a pris et berce contre lui ?

L’âme de la forêt est faite de silence,
De prières, de fleurs et de rêves d’oiseaux…
Un nid abandonné contre moi se balance ;
En lui pour y mourir se blottissent mes maux.

Tout l’afflux végétal des vastes origines
Recoule dans mon sang soudain purifié,
Comme l’arbre et le blé nos jours ont leurs racines,
Dans l’ordre universel rien n’est sacrifié.

À Dieu caché qui croit, à la bonté qui germe,
À tout ce que l’azur dans mon être a semé,
À tout ce qu’un cœur d’homme en ses parois enferme,
Arbres, ma sève a foi, — vous m’avez pardonné.