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LES POÈTES FRANÇAIS

 

III

Les grands rochers moussus que les arbres caressent
Sont la table embaumée ou s’assoient les saisons ;
Pour les errants du ciel les aurores y dressent
Un quotidien festin de fleurs et de rayons.

À la table des rocs les oiseaux viennent boire,
Mais moi Je n’ose pas, lorsque je vois le soir
Les couvrir lentement d’une nappe de gloire,
À ce divin banquet, homme, venir m’asseoir.

Les mets spirituels qu’à ce repas on mange
Les cœurs purs et les dieux peuvent seuls s’en nourrir.
On y boit le pardon dans la coupe de l’Ange,
Le martyre d’aimer, la splendeur de mourir.

Moi que mens sens épais retiennent à la terre,
Vierge enfant que j’adore, ah ! prends-moi par la main.
Fais-moi communier aux coupes du mystère, —
Redonne-moi, Forêt, le goût du pain humain.