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LES POÈTES FRANÇAIS


Il coupe deux roseaux, il laisse errer son âme…
Est-ce son souffle ? je m’entends pleurer en lui.
Chaque arbre est couronné d’une pensive flamme ;
Sous les pleurs de Phœbé toute la forêt luit.

Elle tremble, elle court, en dénouant sa robe,
Au-devant du matin qui palpite d’oiseaux.
Elle roule avec lui sur les épis de l’aube ;
Autour d’eux danse et rit la ronde des coteaux.

Autour d’eux les vents bleus emplissent leurs corbeilles
De rayons et d’odeurs, de souffles et de chants.
Elle est là… Son grand cœur est bourdonnant d’abeilles.
Toute son âme court dans ses sentiers flottants.

Sur sa couche de fleurs, au-dessus de son rêve,
Sous se cheveux défaits ses yeux de biche ont l’air
De contempler un corps tout nourri de sa sève,
Et qu’ébauche en passant chaque baiser de l’air.

Et soudain ses fraîcheurs, sa splendeur caressante,
Sa tendre ivresse, ses murmures, son émoi,
Ses sources, ses frissons, l’appel de chaque sente
Prennent forme… Un visage… Ô mon amour, c’est toi !