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Un fleuve de soleil coule devant la porte.
La nappe est d’or, la table et les vins diaprés
Luisent dans les parfums que la fenêtre apporte.
Sur le coteau, là-bas, un bouquet de cyprès
Se consume, à leurs pieds ruisselle un tas de pierres,
Des torrents de clarté bouillonnent sur les prés
Et tout un vol de paons s’abat sur les bruyères.


Assieds-toi, pour nourrir notre enfant de beauté
Laisse, en mangeant, tes yeux flotter dans la clarté,
Donne, en le contemplant, une âme au paysage.
L’enfant boit lentement ton sang extasié.
Avec ces fruits, ce pain, ce vin, sous ton corsage,
Les mains d’un dieu caché sculptent son frais visage.
Ô femme, couche-toi sur la chaise d’osier,
Et dans l’ardent silence et l’odeur du rosier,
Ton front entre mes mains, au bord de la fenêtre,
Écoutons l’univers créer un nouvel être.


À l’infini, le ciel de la campagne est bleu,
Sous ce ciel et vers nous toute une race forte
Est en marche, elle vient parmi les champs en feu,
Ô maison, toute grande ouvre au soleil ta porte.