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Mon père a relevé la maison des ancêtres.
Blanche, à travers les pins, par-dessus les lauriers,
Elle regarde, au loin, de toutes ses fenêtres,
Se lever le soleil sur les champs d’oliviers.
Deux ceps noueux font à la porte une couronne,
Et beaux comme des dieux, deux antiques mûriers
Dressent devant le seuil leur rugueuse colonne.


Je m’accoude souvent au marbre usé du puits
Et j’entends se répondre, autour de moi, les bruits
De la ferme et des champs qui varient avec l’heure,
Et le rouge coteau, tout parfumé de thym,
Comme une ruche en fleurs contemple la demeure.


Ayant rempli ma loi, s’il faut qu’un jour je meure,
Ô maison, j’ai bâti dans tes murs mon destin.
Quand ta porte au soleil s’ouvre chaque matin
Je sens mon cœur aussi qui s’ouvre à la lumière
Et nous faisons au ciel une même prière :
« Ô Provence, à travers les changeantes saisons,
Dans le flot incessant des choses et des êtres,
Quand nos fils bâtiront de nouvelles maisons,
Qu’ils ne quittent jamais le pays des ancêtres. »