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une responsabilité qui me faisait comprendre à la fois ma faiblesse et ma force.

Oui, ma force ; magna est veritas et prævalebit, dit le peu de latin que j’ai eu le temps d’apprendre. Un homme qui possède la vérité en lui-même a bien peu de pénétration s’il ne peut pas distinguer chez les autres le vrai du faux, et celui qui peut se fier à lui-même ne craint pas de se fier pour tout le reste à la destinée, c’est-à-dire à la Providence.

Ma pauvre Jeanne ! Ma Jeanne ballottée, éprouvée, tentée, sans père, sans frère, sans ami, sans un cœur, à sa connaissance, sur lequel elle pût s’appuyer pour chercher du repos ou des conseils ! Quelquefois je pensais à lui venir en aide, et puis… Non, mon ancienne doctrine que le silence est permis, mais jamais l’hypocrisie, m’empêchait de devenir le conseiller de Jeanne. D’ailleurs il fallait que ce qu’elle avait à faire découlât de sa rectitude naturelle, il fallait nécessairement qu’elle souffrît seule ce qu’elle avait à souffrir.

Oh ! non, Jeanne, pas seule ! Si on pouvait dire plus tard les fardeaux qu’on a portés pour autrui, en secret et sans qu’on vous le demandât, si on pouvait compter les jours de mortelle inquiétude, les nuits sans sommeil, lorsque envers et contre toute raison l’esprit revient avec une terreur de