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subsister d’un mois à l’autre, et qui regardent l’attente comme le plus grand malheur du monde. Quelle folie et quelle faiblesse ! Que vaut l’amour d’un homme pour l’éternité ?

Et l’amour d’une femme ? Je regardais Jeanne. Ses mains étaient croisées sur sa lettre, sa bouche souriait, mais elle était un peu serrée. Elle n’avait pas, elle n’avait jamais eu cette expression de repos que le baiser des fiançailles devrait y laisser, je l’imaginais du moins, une expression sacrée et satisfaite qu’aucun souci ne devrait effacer.

— Cousin, si cela vous est égal, ne parlons plus de cela.

Je lui obéis, remettant en silence à Jeanne toutes les lettres qui arrivaient ; ne sachant pas où elle résidait, les lettres étaient toujours à mon adresse. Parfois nous n’apprenions rien de ce qu’elles contenaient. D’autres fois les dimanches soir, ma mère, à laquelle Jeanne ne refusait rien maintenant, demandait un bout des descriptions de Vienne ou de Constantinople ; alors nous écoutions les récits des marches dans le désert, les chameaux et les Arabes, les pyramides et le Nil, le jour de Pâques dans l’église de la Nativité, les nuits au clair de lune sous les cèdres du Liban ; nous suivions une vie pleine d’enchantement pour un jeune homme, une vie d’un intérêt, d’une beauté, d’une variété con-