Page:Gaskell Craik - Trois histoires d amour.djvu/249

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il saisit sa main gauche pendant que l’autre errait négligemment sur les notes hautes, et il se mit à lui parler tout bas, comme font les amants.

Je retournai à la fenêtre. Au milieu de la rue était une femme, un enfant dans les bras, un autre à ses côtés ; elle chantait d’une voix passée maintenant, mais qui n’avait pas dû être dépourvue de charme. Plus loin, on apercevait, se pressant autour du palais d’un marchand de genièvre, un groupe de femmes, plus misérables encore, traînant après elles des enfants, attendant ou cherchant des maris récalcitrants ou ivres. Enfin, sous la lanterne rouge du docteur en face de notre porte, paraissaient et disparaissaient les uns après les autres des centaines de visages souvent tristes, et dont les physionomies n’étaient guère séduisantes ; c’était la fantasmagorie d’une rue de Londres le soir.

Au dehors, tel était le spectacle ; au dedans, ils étaient deux répétant des vers d’amour, et chuchotant ensemble au son d’une douce musique. Que Dieu nous soit en aide ! me disais-je. N’y a-t-il donc au monde que l’amour ? N’y a-t-il rien à faire qu’à être heureux ?

Oh ! Jeanne, j’étais bien dur pour toi ! Dur même alors, et aveugle comme nous le sommes presque toujours quand nous jugeons sévèrement.