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— Oui, répondit-il… Quel doux visage innocent ! Et avec cela, tant de… »

Le mot ne vint pas, un long soupir en tint place. Évidemment troublé, mon jeune patron s’était levé pour arpenter la chambre à grands pas. Il s’arrêta tout à coup devant moi.

« Vous leur direz comment cela est arrivé. Il faut que le ministre sache combien je regrette de ne lui avoir pas serré la main, de n’avoir pas remercié sa femme pour toutes les bontés qu’ils m’ont prodiguées. Quant à Phillis,… s’il plaît à Dieu, je reviendrai d’ici à deux ans, et alors elle saura tout ce que j’ai dans le cœur.

— Vous l’aimez donc ? m’écriai-je.

— Si je l’aime ?… ah ! certes, répondit-il. Qui ne l’aimerait, l’ayant vue comme je la voyais et pouvant apprécier ce caractère de jeune fille, exceptionnel comme sa beauté ? Dieu lui soit propice et la maintienne dans cette haute sérénité, dans cette pureté angélique ! Deux ans, c’est bien long, savez-vous ? mais elle vit dans une si profonde retraite… C’est presque la Belle au bois dormant (il souriait maintenant, lui que j’avais vu tout à l’heure sur le point de laisser échapper une larme). Allons, allons, je reviendrai du Canada comme un prince Charmant, et je la tirerai de ce sommeil magique par la vertu du talisman d’amour. Dites-moi, Paul, croyez-vous que j’aurai grand’peine à la réveiller ? »

Ce petit mouvement de fatuité me plut assez peu, et je ne répondis pas à sa question. Il reprit, comme pour s’excuser : « On m’offre, vous le voyez, de grands avantages pécuniaires. De plus, si je sors honorablement de l’épreuve, ma réputation est faite et me donne droit, dans l’avenir, à des salaires plus élevés.

— Ceci n’importe guère à Phillis.

— Non, mais son père et sa mère me trouveront plus